Des luttes à mener, des grèves à venir
21 mai 2021 – première journée de la Grève pour l’Avenir [Télécharger ce texte en PDF]
A la racine des problèmes environnementaux: un mode de production et une politique à l’œuvre contre les travailleuses/eurs
Au centre de la question environnementale, la question économique. Au centre de la question économique, la question de la production. Et au cœur de la bête, un fonctionnement politique basé sur la confiscation du pouvoir et la concentration des richesses.
Si nous ne modifions pas quelles richesses nous produisons, de quelle manière, avec quels matériaux, par quels moyens et à quelle distance nous les échangeons, rien ne changera sur le front de la dégradation de l’environnement. Quoi qu’en disent les discours «écologiquement corrects», ce n’est pas une question de responsabilité individuelle. Nous ne portons pas les mêmes responsabilités, précisément parce que, comme travailleuses/eurs, nous n’avons actuellement aucune prise, ou si peu, sur l’organisation de la production.
Nous produisons, concevons, rendons possible tous ces biens et services qui font tourner la société et le monde – sans avoir prise sur ces questions fondamentales. Les employeurs, privés ou (para-)publics, ont, eux, la mainmise sur ces décisions. Le pouvoir qui leur permet de nous sous-payer, d’étendre nos horaires de travail, de réduire nos retraites, de nous faire travailler avec des produits dangereux est le même qui leur permet de faire des choix contraires à une gestion soutenable des ressources naturelles.
La question écologique est une question sociale qui met aux prises des intérêts antagonistes au sein de la société. La satisfaction de nos besoins matériels et moraux, en tant que travailleuses/eurs, est intimement liée à la préservation des moyens généraux de notre existence: une interaction rationnelle avec notre écosystème, dont les détenteurs actuels des moyens de production sont manifestement incapables. C’est pourquoi, en cette première journée de mobilisation de Grève pour l’Avenir, nous nous mobilisons en tant que syndicalistes: pas d’avenir écologique sans luttes des travailleuses/eurs, sans grèves pour la réappropriation de nos conditions d’existence.
Nos vies, nos droits, notre monde!
Il n’y aura pas de «sauvegarde de la planète» abstraite. Celle-ci existait avant nous, elle existera après nous! Mais la sauvegarde, sur le long terme, d’un écosystème compatible avec une vie digne pour les humains, elle, dépend de combats que nous menons au quotidien pour nos moyens d’existence au monde: nos acquis sociaux et démocratiques. Pas de consommation durable sans salaire qui le permette. Pas de lutte pour la santé de la planète sans lutte pour la santé au travail, que ce soit dans les produits utilisés, les rythmes de travail ou le droit au repos, la réduction du temps de travail. Valoriser socialement notre environnement, que le Capital pense pouvoir s’approprier gratuitement et marchandiser, passera également par la revalorisation de la production de biens et services non-marchands et nécessaires à la reproduction de la société (travail domestique, de care, de formation) et sous- ou non-payée.
A terme, et pour tous les travailleurs/euses, c’est bien la question du pouvoir de décision au sein de l’entreprise, comme au sein de la société, qui se pose: ou comment construire une démocratie réelle, comme auto-institution de la société assurant le contrôle de la base sur notre environnement commun.
Pour un système de formation qui ne soit pas au service du capitalisme
C’est l’organisation de la production mondiale, la confiscation et la concentration des pouvoirs (et des richesses) qui détruisent notre planète, la rendent toujours plus invivable pour nous. Et le système actuel de formation est au service d’une telle absurdité: par la spécialisation et la hiérarchisation des savoirs, de l’attestation fédérale de capacité en pneumatique aux diplômes d’ingénieur·e·s, c’est la division capitaliste du travail que sert l’école!
Le capital impose une division du travail dont on doit tirer le bilan écologique: l’ingénieure EPFL forcée de se former et de travailler à concevoir des outils de destruction des humains et de la nature; l’ouvrière à qui on dénie une éducation émancipatrice et dont on détruit la santé en la poussant à utiliser les outils de l’ingénieure… C’est une organisation du monde que nous devons transformer radicalement.
Nous voulons une école obligatoire et polytechnique jusqu’à 18 ans qui nous forme selon nos exigences d’un monde transformé. Dès 18 ans, nous voulons des formations qui ne reproduisent pas la division capitaliste du travail – des formations payées, dans des infrastructures soutenables, qui nous permettent de vivre et de ne pas détruire les conditions de notre vie.
En plus de cet objectif stratégique, nous dégageons 3 axes de lutte immédiats:
3 OBJECTIFS ICI ET MAINTENANT
1) Travailler moins pour gagner plus (et merde à Sarkozy!)
Pour «consommer mieux», pour «polluer moins», pour «manger mieux», pour «gaspiller moins» – il faut des moyens, une autonomie matérielle et temporelle. C’est pourquoi toutes les luttes pour défendre et augmenter collectivement nos salaires et réduire notre temps de travail contraint par l’entreprise doivent être envisagées comme des leviers pour nous réapproprier une part du monde qu’on nous a confisquée: nous devons gagner de quoi «vivre bien» (selon nos critères) pour pouvoir imposer de produire mieux (selon nos besoins). D’un salaire de formation à la retraite en passant par nos périodes d’emploi ou de chômage: ce que l’on vaut et nos conditions de vie sont politiques et éco-logiques!
2) Payer moins pour manger mieux
Au travail, sur nos lieux d’études, partout où l’on vit, il nous faut poser et résoudre la question de ce que l’on mange, un des plus gros secteurs de déstabilisation des écosystèmes. Actuellement, la gestion de cet élément essentiel (vital!) est déléguée à des entreprises privées, que les pouvoirs publics subventionnent plus ou moins dans les établissements de service public (hôpitaux, écoles, administrations, etc.).
Il nous faut une alimentation saine et durable dans tous les établissements de formations et entreprises (para)publiques. Elle doit être financée solidairement (c’est-à-dire qu’il faut prendre l’argent où il est – et il n’est pas dans les poches des apprenti·e·s et étudiant·e·s!) et produite par un secteur agro-écologique qui rémunère correctement les producteurs/trices, pour arriver à terme à un véritable service public de l’alimentation dans les établissements publics: de qualité, durable, gratuit.
3) S’organiser plus pour se déplacer mieux
Vivre, se former, travailler, c’est se déplacer. Transports «publics», transports «en commun»: il faut redonner à ces termes leur sens fort. «Publics»: gérés par les collectivités, selon les besoins des gens. «En commun»: qu’on partage et dont on organise démocratiquement la gestion des coûts et des investissements. Vers la gratuité de transports réellement «publics» et pour le développement de transports concrètement «en commun»!