Autonomie trans: une lutte essentielle
En Suisse, la proportion de personnes trans s’élèverait à 6% (Blick, 2023). Nous rappelons que la transphobie systémique rend les transitions sociales difficiles et poussent certainexs à rester dans le placard au dépend de leur santé. Cet écart à la norme cis est largement puni dans de nombreux domaines du quotidien, notamment sur le marché du travail. En effet, d’après une enquête de Transgender Network Switzerland (Yann, 2025) une personne suisse trans a trois fois plus de chance de se retrouver au chômage comparé à une homologues cisgenre[1]. Bien qu’il y ait une amélioration au niveau des statistiques, le taux de chômage atteignait une personne trans sur 5 en 2018 (Romy, 2018), il reste un long chemin avant d’atteindre un traitement égalitaire. Les discriminations vécues par cette population persistent et contribuent à un état de santé globalement plus faible que la moyenne de la population suisse (Yann, 2025). Point important, l’impossibilité pour certainexs d’accéder à des soins médicaux abordables est particulièrement problématique et joue un rôle dans ces dynamiques inégalitaires, au travail et ailleurs.
Mépris des institutions
À ce jour, aucune loi suisse n’est prévue afin de protéger les personnes trans des comportements et attitudes transphobes, contrairement au racisme, à l’homophobie et à la biphobie (LEg). Une proposition de loi allant dans ce sens a même été rejetée lors des débats parlementaires, témoignant non seulement d’un retard mais aussi d’un parti pris conservateur (Human Rights, 2024). Ce constat est grave. Alors même que prendre la parole représente une décision risquée en tant que personne marginalisée, aucune disposition légale ciblée ne permet d’appuyer les témoignages contre les employeureuses transphobes. Pourtant, iels sont nombreuxses, et poussent une partie de la communauté trans dans une précarité vécue en marge de la société. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: en 2023, en Suisse, 30% des personnes trans au chômage l’étaient à cause d’un licenciement lié à leur transition (Human Right, 2024).
Au sein d’une économie néo-libérale qui fait passer tout confort matériel par un rythme effréné de travail, cette ostracisation est criminelle. L’accès à l’autodétermination des individus est largement réduit par la précarité dans laquelle iels vivent. Pousser une population à survivre dans de telles conditions n’est pas acceptable. Ces mauvaises conditions de vie ne sont pas sans conséquences. Dans le modèle sociétal actuel, les personnes trans sont plus à risque de développer des troubles mentaux comme l’anxiété, la dépression et les idéations suicidaires (Pinna et al., 2022). En 2023, 40% des personnes trans interrogées aux États-Unis déclaraient avoir fait une tentative de suicide. Est-il encore nécessaire d’expliquer en quoi ces chiffres sont alarmants?
Montée du fascisme
Le début des années 2020 a été marqué par une droite et une extrême droite très agressive envers les personnes trans, se développant en campagne de haine. Aux États-Unis, entre 2021 et 2025, 942 projets de loi anti-trans ont été proposés, avec une adoption de 116 d’entre eux (Trans Legislation Tracker, 2025). Parmi les projets mis en place, un décret lancé par Donald Trump pour empêcher aux personnes trans d’avoir leur genre préférentiel dans leur passeport, exposant les individus à des discriminations au moment de contrôles d’identité (Raymond, 2025). En Angleterre, la cour suprême écarte les femmes trans de sa définition de “femme” (Noor Haq, 2025) et donne ainsi raison à des courants idéologiques déterministes d’extrême droite. Finalement, en Suisse, ces intentions fascisantes ont été exprimées sans complexes par l’UDC, qui dépeint la cause trans comme dangereuse et “trop coûteuse”. Le parti d’extrême droite condamne aussi un soutien pourtant nécessaire envers la jeunesse trans, qui doit déjà faire face à de nombreux obstacles. Le but de la droite est clair: diaboliser et museler les minorités afin de ne pas remettre en question le statu quo basé sur un modèle hétérocis patriarcal et raciste bien trop profitable. Parallèlement, le canton de Zürich a annoncé vouloir interdire les “chirurgies de changements de sexe” avant 18 ans (RTS, 2025). Ces discours et décisions politiques tendent à ignorer les besoins de la jeunesse trans et découragent la mise en place d’un accompagnement professionnel pourtant nécessaire.
Non, les personnes trans ne sont pas les responsables de l’instabilité économique calculée par les gouvernements libéraux et qui plonge une majorité de la population mondiale dans une pauvreté grandissante. Non, les personnes trans ne représentent pas un danger pour la société simplement parce qu’elles existent. Face à ces tentatives de division, ne soyons pas dupes, et luttons contre le néolibéralisme, la lgbtophobie, le racisme, le validisme et le patriarcat qui sont à l’origine des dégradations de nos conditions de vie en Suisse et ailleurs. Ne laissons pas ce discours prendre de l’ampleur sans riposter!
Face à l’oppression : organisation
La situation est urgente. L’absence de recensement systématique des actes transphobes (mais aussi homophobes et biphobes) par les autorités contribue à l’invisibilisation des violences subies par la communauté LGTQIA+ (Human Rights, 2024). Au-delà de cette complicité affichée, les attitudes transphobes de la population reflètent une norme ancrée dans les institutions qui sont à l’origine même de ces violences. Vers qui doit-on alors se tourner pour rendre justice aux inégalités vécues? Comment vivre dans une société qui nous stigmatise, réprime et tue?
La réponse a déjà été actée par certains collectifs : en prenant la rue pour revendiquer des causes communes, les militantexs dénoncent un système destructif (Blick, 2024). Le prochain rendez-vous pour lutter contre la queerphobie se tiendra le 19 juillet 2025, à la Pride Rouge de Neuchâtel. Soyons nombreuxses! La question de l’identité de genre n’est pas, et ne sera jamais, spécifique à la communauté trans, elle concerna toujours l’entièreté de la société. Attaquer l’autonomie des corps et l’auto-détermination, c’est remettre en cause les libertés fondamentales de touxtes.
Les syndicats ont un rôle à jouer dans cette lutte. Par exemple, le fait de défendre une autonomie financière pour touxtes (salaire étudiant, bourses, revenu universel, salaire minimum…) pourrait mener à une plus grande auto-détermination des personnes trans. Afin de développer le lien entre lutte des classes et transidentité, il est également important d’inclure des personnes concernées dans ces réflexions.
En tant qu’organisme défendant les travailleureuses, il est essentiel de prendre en compte la transphobie systémique présente dans la société et parfois même au sein même de nos organisations. SUD-ep n’a pas encore assez investi cette problématique depuis sa création. Nous appelons touxtes nos camarades à se former sur les questions queers et à passer à l’action pour une lutte intersectionnelle.
Références:
Blick (2023, 3 juin). La Suisse compte une forte proportion de personnes trans ou non-binaires. Blick. https://www.blick.ch/fr/suisse/environ-6-de-la-population-la-suisse-compte-une-forte-proportion-de-personnes-trans-ou-non-binaires-id18634124.html
Blick (2024). Près de 600 personnes à Genève pour dénoncer la transphobie. Blick. https://www.blick.ch/fr/suisse/et-contre-la-montee-de-lextreme-droite-pres-de-600-personnes-a-geneve-pour-denoncer-la-transphobie-id19635338.html
Human Rights (2023, 9 janvier). Les droits humains des personnes trans restent peu garantis en Suisse. Human Rights. https://www.humanrights.ch/fr/pfi/droits-humains/lgbtiq/droits-humains-trans-suisse
Pinna, F., Paribello, P., Somaini, G., Corona, A., Ventriglio, A., Corrias, C., … & Italian Working Group on LGBTQI Mental Health. (2022). Mental health in transgender individuals: a systematic review. International review of psychiatry, 34(3-4), 292-359.
Raymond, N. (2025, 18 juin). US judge blocks Trump passport policy targeting transgender people. Reuters. https://www.reuters.com/world/us/us-judge-blocks-trump-passport-policy-targeting-transgender-people-2025-06-17/
Romy, K. (2018, 13 mars). Le difficile coming out des personnes transgenres au travail. Swissinfo. https://www.swissinfo.ch/fre/economie/minorit%C3%A9s-_le-difficile-coming-out-des-personnes-transgenres-au-travail/43966784
RTS (2025, 8 juillet). Le canton de Zurich souhaite interdire les changements de sexe pour les mineurs. RTS. https://www.rts.ch/info/regions/autres-cantons/2025/article/zurich-souhaite-interdire-les-operations-de-changement-de-sexe-chez-les-mineurs-28936230.html
Noor Haq, S. (2025, 16 avril). UK Supreme Court says legal definition of ‘woman’ excludes trans women, in landmark ruling. CNN. https://edition.cnn.com/2025/04/16/uk/uk-supreme-court-ruling-definition-woman-intl/index.html
Yann (2025, 27 mai). Trans at Work : rapport de résultats. TGNS. https://www.tgns.ch/fr/2025/05/trans-at-work-rapport-de-resultats/#more-25197
[1] Cisgenre se dit d’une personne dont l’identité de genre est en adéquation avec le sexe assigné à sa naissance.







